Ventes de livres au Québec: tout est plus cher sur Amazon

Terrasser le marché du livre à sa naissance n’a pas suffi à Amazon, où les exemplaires sont aujourd’hui plus chers qu’en librairie; un revirement de situation ironique rendu possible par la façon dont le numéro 1 mondial des ventes en ligne établit ses prix.
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«Beaucoup de monde pense qu’Amazon est moins cher, mais c’est loin d’être toujours le cas», observe l’un des maîtres à penser québécois de la consommation et de ses comportements, Jacques Nantel.
Le départ d’Amazon du Québec et la perte d’au moins 4500 emplois sont l’occasion de faire le point sur sa façon d’établir les prix, de percer à jour son système de pricing.
Parmi les 12 livres les plus vendus au Québec présentement, 11 sont plus chers chez Amazon que dans une librairie québécoise. L’autre est au même prix.
Nous avons utilisé les palmarès Renaud-Bray et Raffin afin de dresser cette liste, où figurent cinq livres québécois. Les prix du neuf chez Renaud-Bray, LesLibraires.com et Amazon.ca ont été comparés, ce qui pousse à la hausse les prix du mastodonte américain, où les tierces parties vendent surtout des livres de seconde main.
Les 12 livres les plus vendus au Québec
En date du 29 janvier, livres neufs, en dollars
Savant fou
Dix dollars de plus pour la bio de Janette? Trente pour le nouveau John Irving? C’est ironique, car Amazon est né en 1994 en vendant des livres à des prix défiant toute concurrence, un travail souvent qualifié de «sans pitié» par l’industrie.
Au quotidien, le prix d’un produit est modifié 12,6 fois en moyenne chez Amazon grâce à la tarification dynamique. Tous les sites spécialisés en parlent, de ces algorithmes utilisés pour ajuster les prix en temps réel.
Mais à quel point le prix initial, celui d’avant les 12,6 modifications, fait-il l’objet d’attention?
«Ils savent très bien ce qu’ils font. Ils testent les prix sans arrêt à la recherche du prix qui ne nuira pas à l’envie d’acheter et qui sera le plus haut possible», raconte un autre spécialiste de la chose, le professeur de stratégie Yan Cimon.
En l’écoutant, on s’imagine un savant fou en sarrau blanc au-dessus d’un bécher fumant en train de mélanger la tonne de données d’Amazon. Cette science du prix permet l’extraction du max de richesse pour les actionnaires de Jeff Bezos.
«Ce genre de tests là, c’est courant dans le commerce électronique. Ils savent aussi que ceux qui achètent 10 affaires en même temps, c’est les mêmes qui vont payer 68$ pour un roman», souligne le prof Cimon au sujet du «one-click-shop» qu’est Amazon.
Meilleur prix?
Rien ne garantit que le prix le plus bas soit offert par Amazon, ce que s’évertue à rappeler Jacques Nantel depuis des années.
«C’est eux qui décident, ça dépend du produit», prend la peine de redire le spécialiste du marketing et de la psychologie consumériste.
Amazon pratique la politique du prix minimum imposé, qui lui permet de punir financièrement un vendeur distribué par l’entreprise si son produit est moins cher ailleurs, disons chez Walmart, en lui facturant une sorte de contravention, en plus de baisser son prix.
«Oui, ça joue dur chez Jeff Bezos, où règne la dictature du prix minimum», illustre-t-il.
Dans le cas du livre, Amazon, aidé par ses robots superpuissants, a tout simplement décidé qu’en 2025 au Québec, ça ne valait pas la peine d’imposer son prix minimum.
«C’est ironique pour le livre, ça montre bien à quel point la marque Amazon est forte et que la perception du public est encore qu’ils ont le meilleur prix», résume Yan Cimon.