Une procureure de la Couronne coupable d’une accusation réduite de voies de fait pour des attouchements dans un party de Noël

Une procureure de la Couronne de Chicoutimi accusée initialement d’agression sexuelle a plaidé coupable vendredi à une accusation réduite de voies de fait simple pour des contacts sur une collègue procureure, survenus lors d’un party de Noël.
Marie-Christine Savard et la victime travaillaient ensemble dans les bureaux du Directeur des poursuites criminelles et pénales du district de Chicoutimi lors des événements, survenus en novembre 2021.
Arrivées ensemble à un party de Noël organisé par le Service de police de la ville de Saguenay, la victime raccompagnait sa collègue procureure à l’extérieur de la salle où l’attendait son transport en fin de soirée. C’est à ce moment-là que Marie-Christine Savard, intoxiquée, a plaqué la plaignante contre le mur d’une cage d’escalier avec les deux mains sur ses seins. Elle a ensuite tenté de l’embrasser.
Initialement accusée d’agression sexuelle, l’avocate de 36 ans a plaidé coupable vendredi à une accusation «moindre et incluse» de voies de fait. Le tout découle d’une entente négociée longuement entre les parties, qui est également venue avec une suggestion commune sur la peine. L’accusée bénéficie ainsi d’une absolution conditionnelle, assortie d’une probation d’un an durant laquelle elle ne pourra entrer en contact avec la victime.
«Pour monsieur ou madame Tout-le-Monde, […] le processus judiciaire, ça a un effet. Mais en plus, si vous êtes procureure aux poursuites criminelles et pénales, le simple dépôt d’accusation et la médiatisation du dossier a eu un effet qui va au-delà de [l’absolution conditionnelle] qu’on vous suggère aujourd’hui» – Me Julien Boulianne, avocat de la défense
Marie-Christine Savard, procureure aux poursuites criminelles et pénales, a plaidé coupable de voies de fait simple pour des attouchements sur une collègue du DPCP survenus lors d’un party de Noël en novembre 2021. Initialement accusée d’agression sexuelle, l’avocate a plaidé coupable à l’infraction réduite et a écopé d’une absolution conditionnelle à une probation d’un an.
Crédit photo: Capture d’écran TVA Nouvelles
Capture d’écran TVA Nouvelles
Contrecoups pour la victime
Émotive, la plaignante au dossier s’est adressée au tribunal dans une position qu’elle a qualifiée de «déroutante», soit «non pas en tant que procureure de la Couronne, mais en tant que victime d’un crime».
Elle dit avoir réalisé lors du processus qui s’est étiré sur trois ans ce qu’elle a qualifié «d’incohérences et de dichotomie» au sein même du monde judiciaire.
«D’un côté, on martèle l’importance de dénoncer […] mais d’un autre, on me juge d’avoir porté plainte contre une collègue», a dénoncé l’avocate qui pratique toujours, mais dans un autre district judiciaire. «On me dit que j’ai brisé une carrière. On me demande de garder le silence. On me dit que ça va beaucoup trop loin pour un geste unique et isolé.»
La procureure, qui a souffert de dépression après les événements, a ainsi tenu à dénoncer l’isolement qu’a provoqué sa dénonciation alors que la société lutte pourtant pour convaincre les victimes de parler, de dénoncer.
«Au cœur même de notre système de justice, je suis ostracisée parce que je suis une victime. Je me suis sentie abandonnée par ceux que j’estimais», a-t-elle insisté.
«J’espère que l’avenir apportera un éveil aux personnes concernées, où la tolérance et la minimisation laisseront leur place à l’indignation, la dénonciation et la protection des victimes.» – La victime de Marie-Christine Savard
«Nul n’est au-dessus de la loi»
Le juge de la Cour supérieure Carl Thibault a entériné la suggestion commune des parties, soulignant que le plaidoyer de culpabilité, l’absence d’antécédents de Marie-Christine Savard et les lourdes conséquences qu’aura eues le processus judiciaire sur elle militaient en faveur d’une absolution conditionnelle.
Le magistrat a également fait remarquer que ce dossier «très particulier» rappelle «qu’indépendamment de la fonction exercée dans la société, nul n’est au-dessus de la loi».
«C’est un autre exemple qu’une seule soirée peut faire basculer le cours normal de la vie» – Le juge Carl Thibault
Questionné quant au statut de Marie-Christine Savard au sein de son organisation, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a refusé de commenter «en raison d’obligations de confidentialité» envers la procureure, qui était suspendue avec solde durant les procédures judiciaires.
Comme l’accusée était une employée du bureau du DPCP, c’est un procureur de la couronne fédérale de Québec, Me Henri Bernatchez, qui a piloté le dossier en poursuite. Marie-Christine Savard était représentée en défense par Me Julien Boulianne.