Une compagnie montréalaise aux pratiques louches fait de nombreuses victimes

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Une entreprise montréalaise qui vend des aspirateurs à des prix exagérément élevés à des personnes vulnérables cumule plus de 110 plaintes à l’Office de la protection du consommateur (OPC) en raison de «pratiques qui apparaissent carrément abusives». 

L’entreprise Les Systèmes Rainbow, appartenant au Montréalais Elias Moussa, distribue des aspirateurs à des prix variant entre 3500$ et 4900$.



Elias Moussa et deux proches collaborateurs.


Photo Zoé Arcand

«Ce sont des vendeurs qui font du porte-à-porte, ils s’attaquent aux personnes vulnérables», résume Stéphane Dumais, gérant à la Maison de l’aspirateur qui connaît bien les produits Rainbow. Il soulève que «le meilleur aspirateur du monde coûte moins de 1000$».


Aspirateurs Rainbow


Un aspirateur Rainbow


Photo Zoé Arcand

Pratiques «abusives»

Les vendeurs itinérants de l’entreprise se présentent chez les clients potentiels, recommandés par des «amis». Ils feraient pression sur les clients pour qu’ils signent un contrat les engageant à acheter un aspirateur en plusieurs versements.

«Les enfants pleuraient, il était 23h, personne n’avait mangé, on avait faim et le vendeur refusait de partir», témoigne une réfugiée haïtienne.

Après cinq heures à subir de la pression du vendeur, elle et son mari ont abdiqué et signé le contrat avec l’intention de le faire annuler le lendemain.

Mais «après avoir fait signer les clients avec des pratiques qui apparaissent carrément abusives, la compagnie cesse de coopérer, surtout dans les dix jours que prévoit la loi pour mettre fin au contrat», observe Roxanne Guillemette, responsable de la protection des droits des consommateurs à l’ACEF du Nord, un organisme de défense des droits membre de l’Union des consommateurs.

Mme Guillemette est venue en aide à plusieurs personnes aux prises avec cette compagnie et a observé que les contrats ne sont pas conformes à la loi, à l’instar de juristes consultés par Le Journal.

Le contrat pose problème parce que « il manque le taux de crédit et un encadré informatif obligatoire » selon Me Claudia Bérubé.

Un avis d’infraction à ce sujet a été envoyé à l’entreprise en 2022, indique le porte-parole de l’OPC, Charles Tanguay.

Selon deux associations venant en aide aux consommateurs, ce n’est pas suffisant.

«On demande que l’OPC suspende le permis de vente itinérante à cette compagnie et qu’il émette une alerte à son sujet», explique Maxime Dorais, codirecteur général de l’Union des consommateurs, de pair avec l’intervenante de l’ACEF du Nord.

Charles Tanguay assure que « des vérifications » sont en cours à l’égard de ce commerçant du côté de l’OPC.

Une centaine de plaintes

Les pratiques de l’entreprise s’apparenteraient à «de la vente à pression, de la fausse représentation et de la vente multiniveau illicite», juge l’avocate et chargée de cours à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke Claudia Bérubé.

Cent treize plaintes et vingt-quatre mises en demeure ont été signalées à l’OPC au sujet de cette entreprise dans les deux dernières années.

«C’est trop», concède le gérant au service à la clientèle de Systèmes Rainbow, Karim Mitri, qui martèle toutefois qu’il «ne faut pas écouter tout ce que les gens disent».

Il souligne que l’entreprise compte environ 15 000 clients. «Les gens qui ne sont pas contents font plus de bruit que les autres, c’est normal.»

Néanmoins, les plaintes à l’OPC concernent principalement des pratiques trompeuses ou déloyales, la non-conformité des contrats, la qualité du service à la clientèle ainsi que la facturation ou le recouvrement de créances.

UNE ASSOCIATION DEMANDE UNE ENQUÊTE

Une association pour la défense des droits des consommateurs réclame une enquête sur une compagnie de distribution d’aspirateurs qui offrirait un «programme» s’apparentant à de la vente multiniveau illicite.

Les Systèmes Rainbow offre à ses clients de participer à un programme impliquant d’agir comme intermédiaire entre un représentant et 14 «amis».

Si deux de ces «amis» achètent un aspirateur dans un temps donné, «on remet un chèque d’environ 3900$» au client ayant permis la vente, «et on lui remet plein de cadeaux», explique le gérant au service à la clientèle de l’entreprise montréalaise, Karim Mitri.


Aspirateurs Rainbow


La Montréalaise Shedley Laguerre est mécontente de son expérience avec Les Systèmes Rainbow.


Photo Zoé Arcand

«J’ai l’impression de me faire niaiser», témoigne cependant Shedley Laguerre, une travailleuse de la santé qui dit avoir «signé le contrat pour avoir un aspirateur gratuitement en participant à un programme».

Les représentants de l’entreprise ne se seraient pas présentés aux rencontres de vente organisées avec des «amis», lui faisant «perdre son temps». Lorsqu’elle a voulu annuler son contrat, les représentants du service à la clientèle n’auraient pas collaboré.

«On demande que le Bureau de la concurrence du Canada fasse enquête parce qu’on croit c’est de la vente multiniveau», martèle Roxanne Guillemette, qui défend les droits des consommateurs à l’ACEF du Nord, membre de l’Union des consommateurs.

Le Bureau de la concurrence ne peut commenter ce dossier puisqu’ils sont tenus par la loi d’opéré en toute confidentialité.

Selon l’avocate et chargée de cours à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke Claudia Bérubé, ce «programme» s’apparente effectivement en tout point à ce qui est aussi appelé de la vente à paliers multiples «illicite» .

Selon nos observations, l’entente verbale de participation à ce programme vient parallèlement avec la signature d’un contrat pour l’achat d’un aspirateur coûtant des milliers de dollars dont il est particulièrement difficile de se défaire.

Difficile d’annuler le contrat

Karim Mitri explique que l’annulation du contrat doit être envoyée par courrier recommandé. C’est ce qu’a fait Jean-Michel Severe, un électromécanicien de la métropole, mais sa missive n’a jamais été récupérée.

«J’ai accepté de signer pour avoir le produit gratuitement», explique celui qui a signé un contrat l’engageant à payer par versements mensuels un aspirateur au prix total de 4900$.

Il n’est pas le seul à être mécontent de son expérience puisque plusieurs autres clients jugent avoir été victime de fausse représentation.

«Je cherchais du travail», explique une demandeuse d’asile haïtienne souhaitant rester anonyme par crainte de représailles.

«Un représentant m’a montré son chèque de paie et m’a dit que j’allais faire beaucoup d’argent» en travaillant pour la compagnie. Mais avant, elle devait compléter le programme.

Une fois que ce fut fait, elle n’aurait pourtant jamais obtenu de chèque ni d’emploi de la part de cette entreprise qui voulait qu’elle continue à agir comme intermédiaire de manière bénévole, assure-t-elle.

Présente à l’international

Les Systèmes Rainbow «opèrent telle une pieuvre aux nombreux tentacules», illustre Maxime Dorais, de l’Union des consommateurs, un organisme à but non lucratif qui réunit 15 groupes de défense des droits des consommateurs, dont l’ACEF du Nord.

«Des compagnies Rainbow sont présentes dans une centaine de pays», explique Sam Moussa, propriétaire de compagnies indépendantes distribuant ces aspirateurs notamment en Ontario et aux États-Unis.


Aspirateurs Rainbow


Sam Moussa, propriétaire de compagnies distribuant ses aspirateurs en Ontario et aux États-Unis et distributeur général régional de Rexair LLC, la compagnie de manufacture des aspirateurs


Tirée de la page Facebook de Sam Moussa

Celui qui est également distributeur général régional de Rexair LLC, l’entreprise qui fabrique ces aspirateurs, est accessoirement le frère du propriétaire de la branche montréalaise, Elias Moussa.


Aspirateurs Rainbow


Un voyage du Moose Groupe, lié aux aspirateurs Rainbow


Facebook

Les différentes délégations de ces nombreux pays se réunissent fréquemment à l’étranger, documentant le tout sur les réseaux sociaux.


Aspirateurs Rainbow


Facebook

Cash! Cash! Cash!»

Le Journal a assisté à une des rencontres de présentation de la branche montréalaise des Systèmes Rainbow. Une cinquantaine de candidats étaient présents et l’ambiance était chaotique.

Aux enfants faisant défiler des vidéos TikTok à plein volume se mêlaient les discussions des groupes venus assister – avec peu d’attention – à la présentation.

Shedley Laguerre, une travailleuse de la santé mécontente de son expérience avec cette compagnie a remarqué, alors qu’elle assistait elle-même à une «rencontre d’accueil», que de nombreux clients semblaient être «des personnes ne sachant pas se défendre, ne connaissant pas vraiment leurs droits».

«On est comme une famille», explique pour sa part le gérant au service à la clientèle, Karim Mitri.

À l’avant, les employés responsables scandaient «cash, cash, cash!», tentant d’animer la cinquantaine de recrues. Le propriétaire, Elias Moussa, se tenait en retrait.

Deux maîtres de cérémonie faisaient tirer de l’argent liquide avec une roue de fortune ou offraient des cadeaux aux nouveaux venus et remettaient d’impressionnants chèques géants aux «meilleurs vendeurs».


Aspirateurs Rainbow


Sam et Elias Moussa remettant un cadeau à une potentielle cliente devant une roue de fortune le jour de l’inauguration des bureaux montréalais des Système Rainbow


Facebook

Rapidement, ils ont donné des explications complexes concernant le «programme» permettant d’empocher 3900$.

Avec l’accent mis sur l’argent pouvant être accumulé en «travaillant» pour la compagnie, les maîtres de cérémonie ont encouragé les recrues à «signer» un document pour ensuite mettre la main sur une ou deux pointes de pizza et une boisson gazeuse.

UNE COMPAGNIE DE FINANCEMENT INATTENDUE

Des consommateurs ayant fait affaire avec l’entreprise montréalaise d’aspirateurs visée par une centaine de plaintes ont vu leurs créances cédées à une compagnie de financement alternatif aux taux d’intérêt astronomiques.

Jean-Michel Severe, un électromécanicien montréalais, déplore que sa dette ait été cédée à l’entreprise de financement alternatif canadienne LendCare.

«C’est une compagnie de financement qui menace de prélever de l’argent de mon compte de banque avec des taux d’intérêt de 26,9%», s’inquiète celui qui croyait pouvoir rembourser le produit en participant au «programme» des Systèmes Rainbow.

IBien qu’il ait été avisé que son achat serait financé par LendCare, il dit avoir eu à téléphoner à la compagnie une fois le contrat signé pour constater les taux d’intérêt. Aucune indication à cet effet ne figure sur les contrats de Rainbow consultés par le journal, ce que déplore d’ailleurs Roxanne Guillemette, intervenante de l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) du Nord ayant épaulés certains clients de ces compagnies.

Des clients surpris

Lorsque Shedley Laguerre, une Montréalaise travaillant dans le milieu de la santé, s’est embarquée dans ce programme, elle n’a pas signé de contrat la liant explicitement à une compagnie de financement, assure-t-elle.

Pourtant, dans les mois suivant la signature du contrat et après avoir envoyé une mise en demeure en exigeant l’annulation à la compagnie d’aspirateurs, LendCare a prélevé des centaines de dollars de son compte de banque.

«C’est assez fréquent dans le commerce itinérant», explique l’avocate Claudia Bérubé, insistant qu’il «faut que le consommateur soit avisé du transfert de dettes pour éviter de payer deux fois ou à la mauvaise compagnie».

Mauvaise réputation

«Ce sont déjà des choses qu’on a vues dans le passé, spécifiquement avec LendCare», souligne également Alyssia Marchetta, conseillère budgétaire chez Option Consommateurs.

Les compagnies de financement alternatif non bancaire «sont caractérisées par des taux d’intérêt extrêmement élevés», indique-t-elle.

Ces entreprises ont «la réputation de faire des fausses représentations», renchérit Mme Marchetta.

Elle souligne une «tendance à prendre avantage du fait que les gens n’ont pas d’autres options, sont mal informés».

Ces compagnies de financement alternatif pulluleraient actuellement sur le marché, selon les groupes qui défendent les consommateurs.

Du côté de l’Office de la protection du consommateur (OPC), on salue une nouvelle disposition mise en vigueur dans le cadre de l’adoption, le 7 novembre dernier, du projet de loi 72 visant à mieux protéger le consommateur.

Cette nouvelle disposition interdit la conclusion d’un contrat de financement dans un contexte de vente.

Rainbow n’aurait donc plus le droit de céder les dettes de ses clients à LendCare. Cela permettra à l’OPC d’agir plus rapidement dans l’avenir, explique son porte-parole Charles Tanguay.

Connue des autorités

LendCare, qui utilise aussi les noms GOEASY, EasyHome et EasyFinancial, cumule 69 plaintes et 15 mises en demeure à l’Office de la protection du consommateur depuis deux ans. L’ACEF du Nord demande à ce que l’OPC lui révoque ses permis de prêteur d’argent et de commerçant qui conclut des contrats de crédit à coût élevé.


Aspirateurs Rainbow


Jason Mullins, PDG de Lendcare


Tirée de la page Facebook de Jason Mullins

L’OPC assure conduire « des vérifications » à l’endroit de LendCare.

Son PDG, Jason Mullins, est apparu en 2020 sur la liste des «Canada’s Top 40 under 40». On y apprend qu’il a joint GOEASY en 2010 et qu’il «a aidé l’entreprise à atteindre une capitalisation boursière d’un milliard de dollars, avec une croissance composée des bénéfices de 28%».

LendCare n’a pas accordé d’entrevue au Journal, mais une représentante a indiqué par courriel contacter directement chaque client ayant porté plainte à l’OPC.

COMMENT S’EN SORTIR?

Il existe des recours pour les consommateurs aux prises avec des entreprises qui ne coopèrent pas lors de tentatives d’annulation de contrats ou de paiements préautorisés, mais ceux-ci sont de véritables dédales bureaucratiques et juridiques, ce que déplorent des associations défendant les droits des consommateurs.

«Ces démarches sont complexes, impliquent beaucoup de paperasse et de bureaucratie, déplore Alyssia Marchetta, conseillère budgétaire chez Option Consommateurs. Ça peut prendre des mois, et puis pendant ce temps-là le consommateur est quand même lié au contrat et les intérêts continuent d’augmenter.»

«Ce sont de gros problèmes coûteux en temps et en argent pour les consommateurs», s’attriste Mme Marchetta.

Annuler le contrat

L’avocate Claudia Bérubé recommande aux clients souhaitant faire annuler un contrat d’achat à crédit avec une compagnie ne coopérant pas d’envoyer une mise en demeure.

«Si ensuite les clients n’ont pas de nouvelles, ils doivent aller aux petites créances pour faire annuler le contrat et être remboursés. Ça impliquerait l’annulation du contrat de crédit.»

C’est ce que compte faire Jean-Michel Severe, qui a payé la totalité de ses dettes à la compagnie de financement alternatif de peur que ces dettes affectent sa cote de crédit.

Des changements demandés

Selon l’Union des consommateurs (UC), lorsqu’un montant réclamé est contesté en vertu de la loi, «aucune référence à un défaut de paiement ne devrait pouvoir apparaître au dossier de crédit» du consommateur.

Dans son mémoire déposé à l’Assemblée nationale lors de l’étude du projet de loi 72 visant à mieux protéger les consommateurs en octobre dernier, l’OBNL soulignait «la difficulté de faire cesser des prélèvements préautorisés» à des compagnies comme LendCare.

«Dans certaines situations, la seule solution proposée à un consommateur pour faire cesser les prélèvements est de fermer son compte bancaire ou de payer des frais à l’institution financière afin qu’elle procède à l’arrêt de paiement», a déploré l’OBNL.

L’UC recommandait de changer la loi pour qu’un commerçant soit obligé d’arrêter de prélever de l’argent du compte de banque d’un consommateur si ce dernier l’avise de vouloir mettre fin à une entente de paiement préautorisé, et ce, sans frais. La loi le permet déjà pour les prélèvements automatiques sur les cartes de crédit.

Ces recommandations n’ont pas été ajoutées à la version finale du PL72, adopté de 7 novembre dernier. «Le gouvernement avait l’occasion de mieux les protéger tout en simplifiant leurs démarches, mais il ne l’a pas saisie», a commenté Maxime Dorais, codirecteur général de l’UC.

Il espère que «ces failles» seront rapidement corrigées puisqu’en attendant, les consommateurs «sont laissés à eux-mêmes».

Porter plainte

Me Claudia Bérubé recommande fortement de faire parvenir plaintes et mises en demeure à l’Office de la protection du consommateur «pour que ces compagnies-là se fassent taper sur les doigts».

Les consommateurs peuvent aussi se tourner vers des organismes comme Option Consommateurs, l’Union des consommateurs ou des centres de justice de proximité pour obtenir de l’aide.

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l’adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.



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