Quand surmonter sa peur devient une source de plaisir
Si peur et plaisir ne semblent pas spontanément aller de pair, de nombreuses personnes raffolent pourtant des films d’horreur ou encore des sports extrêmes d’hiver, par exemple. Sans oublier ces montagnes russes toujours plus vertigineuses qui, chaque été, attirent les foules. Comment expliquer qu’autant de gens semblent parfois vouloir avoir peur ?
Évoquer le Parc Belmont, c’est forcément trahir mon âge. Ce parc d’attractions si populaire — disparu en 1983 pour laisser place à des complexes résidentiels au nord de Montréal — occupe pourtant une place de choix dans mes souvenirs d’enfance. Je me rappelle surtout le célèbre manège « Cynique »: chaque tour de ce manège me faisait hurler, mon cœur battait à tout rompre, et, une fois descendue, mon seul objectif était d’y retourner. Pourquoi étais-je à la fois terrifiée et au comble du bonheur ?
Comme une potion magique
C’est que chez l’enfant comme chez l’adulte, la peur peut, dans certains contextes, devenir agréable, positive, voire enivrante.
Le fait de ressentir de la peur active en effet notre cerveau et stimule notamment la sécrétion d’hormones et de neurotransmetteurs. Lorsque nous avons peur, cela déclenche en outre la libération d’adrénaline, une hormone qui prépare notre corps à réagir rapidement face au danger en augmentant le rythme cardiaque et la vigilance.
Ensuite, dans des situations où la peur est volontaire et perçue comme sécuritaire, comme dans un manège ou en pratiquant un sport extrême, d’autres substances entrent en jeu. La dopamine, souvent associée au plaisir et à la récompense, est libérée, renforçant cette sensation de satisfaction lorsque le danger est surmonté. Après un effort important ou une expérience intense, les endorphines prennent le relais, procurant une certaine euphorie.
Ainsi, la peur, lorsqu’elle est contrôlée, active un cocktail d’hormones et de neurotransmetteurs qui non seulement nous stimulent, mais peuvent aussi nous procurer un plaisir unique.
D’une certaine façon, on pourrait dire que ces hormones et neurotransmetteurs agissent ensemble comme une potion magique. Contrairement à celle du druide Panoramix, nous connaissons la recette. Mais attention : ici, il ne suffit pas de boire une potion, il faut souvent fournir un certain effort, et certaines conditions doivent être réunies pour que l’on éprouve du plaisir.
Et ce n’est pas tout : lorsque l’on a peur, notre cerveau en effervescence met aussi temporairement ses préoccupations sur pause. On peut alors oublier ses soucis et « stopper le hamster qui tourne dans notre tête », s’offrant ainsi un moment de répit, ce qui explique pourquoi autant de gens sont à la recherche de sensations fortes.
La peur, mais en toute sécurité
À première vue, les aventuriers expérimentés et encadrés qui recherchent des expériences suscitant la peur semblent prendre des risques insensés. Cependant, derrière de telles activités se cachent souvent une préparation minutieuse et un encadrement rigoureux. Plusieurs de ces personnes s’entraînent intensivement, vérifient chaque détail de leur équipement et suivent des protocoles de sécurité stricts. Ces situations diffèrent largement d’une situation de danger imprévu, comme celle de tomber face à face avec un cambrioleur, par exemple.
Un manège pour l’esprit
Il est évidemment primordial d’éviter toute situation qui pourrait représenter un danger. Cependant, se placer dans une situation apeurante — mais qui est sécuritaire — nous offre l’occasion unique de réfléchir, de sortir de notre zone de confort et de nous sentir vivants.
C’est une manière de se reconnecter à soi-même, de mettre le quotidien sur pause, et, surtout, de savourer la satisfaction de s’être dépassé. Autant de bonnes raisons de profiter d’un autre tour de manège !