Procès civil de Gilbert Rozon: Patricia Tulasne a eu du mal à poursuivre sa carrière après l’agression

Après avoir été agressée sexuellement par l’ex-magnat de l’humour Gilbert Rozon, la comédienne Patricia Tulasne s’est mise à se détester et a eu du mal à poursuivre sa carrière, a-t-elle témoigné lors du procès civil les opposant.
• À lire aussi: Elle confronte Gilbert Rozon au civil, après son acquittement au criminel
• À lire aussi: Procès civil de Gilbert Rozon: une victime a l’impression «d’être passée à côté de sa vie»
«Je m’étais mise à me détester moi-même, je me disais que c’était mon comportement, mon apparence, qui avait tout causé», a souligné Patricia Tulasne jeudi matin, au palais de justice de Montréal.
Patricia Tulasne a rencontré pour la première fois l’ex-homme d’affaires lors d’un souper après la dernière représentation de 1994 de la pièce de théâtre Le dîner de cons.
Elle n’avait alors «échangé ni parole ni regard avec Gilbert Rozon», a-t-elle assuré. L’ex-magnat de l’humour se serait proposé pour aller la reconduire chez elle à la fin de la soirée, puisqu’ils demeuraient tous deux à Outremont.
Gilbert Rozon à son arrivée au palais de justice de Montréal, jeudi.
Photo PIERRE-PAUL POULIN
Une fois devant chez elle, Rozon lui aurait demandé s’il pouvait monter dans son appartement. Mal à l’aise, Patricia Tulasne lui aurait répondu qu’elle devait plutôt aller faire promener son chien.
Agression sexuelle
Le fondateur de Juste pour rire aurait alors insisté pour l’accompagner. Après une très longue marche où elle «essayait d’être le moins intéressante possible», elle s’est résignée à retourner chez elle, toujours avec Rozon.
Il lui aurait encore demandé de rentrer, mais elle a maintenu son refus. C’est alors qu’il l’aurait tassée violemment afin de monter les escaliers vers son appartement.
Une fois dans le logement, «il me prend par les épaules et me plaque contre le mur», s’est remémorée Patricia Tulasne, qui aurait ensuite «croisé son regard de fou».
«J’ai eu peur de mourir. J’ai pensé à tout ce qu’il représentait, son pouvoir. C’était trop pour moi», a-t-elle souligné.
Elle se serait ensuite retrouvée dans sa chambre, où il l’aurait agressée sexuellement avant de repartir.
Rencontres
Deux semaines après l’agression alléguée, Rozon aurait interpellé Patricia Tulasne à un vernissage, lui indiquant: «Excuse-moi, je n’ai pas eu le temps de te rappeler».
«Je lui ai répondu: “Surtout, ne me rappelle pas”», s’est-elle rappelé.
Si la carrière de Patricia Tulasne était sur une lancée lors de l’agression, elle se serait éteinte par la suite.
«Dans notre métier, il faut savoir se vendre, avoir de l’influence, dégager de la confiance en soi et je ne dégageais pas ça du tout», a précisé celle qui est désormais directrice en surimpression vocale.
La comédienne aurait recroisé Gilbert Rozon quelques années plus tard, lors d’une séance d’essayage en vue d’un gala Juste pour rire. En la voyant dans son tailleur fuchsia, il lui aurait indiqué: «Tu as l’air d’une grosse pute rose».
«Ça m’a vraiment blessée, ce type m’a violée il y a quelques années et maintenant il me traite de grosse pute rose», a-t-elle souligné.
Depuis 1994, Patricia Tulasne a dû vivre avec une dépression chronique et même des pensées suicidaires.
Plaintes rejetées
Elle a finalement porté plainte à la police en 2017, dans la foulée du mouvement #MoiAussi. Mais seule celle d’Annick Charette a finalement mené à des accusations.
«Quand j’ai su que nos plaintes étaient rejetées, j’ai vomi pendant une semaine», a souligné Mme Tulasne.
Elle réclame donc à l’ex-magnat de l’humour plus de 14M$, conjointement avec huit autres femmes: Lyne Charlebois, Guylaine Courcelles, Annick Charette, Anne-Marie Charette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Marylena Sicari et Martine Roy.
«Je veux qu’il s’excuse et qu’il sache qu’il a volé nos vies», a lâché Patricia Tulasne à la fin de son interrogatoire.
Le procès, présidé par la juge Chantal Tremblay, se poursuit jeudi.