L’INEE et les enjeux réels en éducation

La création de l’INEE (Institut national d’excellence en éducation) visait, entre autres, à combler le besoin d’une source d’informations fondée sur les données probantes de la recherche scientifique. Malheureusement, un an plus tard, sa création n’a toujours pas vu le jour. Pourtant, plusieurs enjeux fondamentaux et urgents en matière d’éducation ne manquent pas.

L’INEEa été créé malgré l’opposition farouche de plusieurs membres du corps professoral des facultés d’éducation, qui peut s’expliquer en partie par la forte adhésion au socioconstructivisme.

À court terme, la réputation de l’INEE dépendra de la célérité avec laquelle il se mettra au travail, des enjeux abordés et de la qualité de ses rapports. Éviter les questions controversées du monde de l’éducation serait un très mauvais départ.

Système scolaire tricéphale

Le système scolaire québécois est tricéphale : l’école publique ordinaire, l’école publique à programmes particuliers et l’école privée à programmes particuliers. L’expansion rapide de ce système au cours des trente dernières années semble s’être réalisée sous l’impulsion d’un « marketing éducatif » plutôt que sous des choix sociétaux et rationnels basés sur les données probantes.

Des résultats récents semblent indiquer une augmentation des écarts de rendement entre les enfants au Québec. Est-ce un effet de notre système tricéphale ? Quels sont les effets de ce système sur le rendement des enfants en difficulté et sur ceux qui réussissent plus facilement ? Et ses effets sur l’intégration et la cohésion sociale ? L’INEE ne peut faire l’économie de traiter cet enjeu sans donner l’impression de manquer de courage.

Méthodes d’enseignement initial de la lecture

Depuis un siècle, l’apprentissage initial de la lecture est divisé entre les approches syllabiques (décoder des mots), les approches globales (mémoriser la configuration des mots) et les approches mixtes, qui combinent les approches syllabique et globale. Au Québec, depuis 40 ans, ce sontles méthodes globales et mixtes qui sont en usage.

Les conclusions des recherches scientifiques des 60 dernières années, incluant celles qui ont recours à l’imagerie par résonance magnétique, constatent que l’approche syllabique est nettement plus efficace. Malgré cela, plusieurs conseillers pédagogiques et centres de services scolaires semblent plutôt promouvoir l’utilisation des approches globale et mixte. Pourquoi persistent-ils à favoriser des méthodes moins efficaces, en dépit des faits ? Considérant que cet apprentissage est la clef de voûte de nombreux apprentissages ultérieurs, l’INEE ne peut passer à côté de cette problématique.

Programme au préscolaire

Le programme au préscolaire implanté en 2021 comporte, fait rarissime au Québec, certaines conclusions scientifiques (ex. : l’importance de la connaissance des lettres). Il n’a cependant pas fait l’unanimité, malgré son objectif de faciliter l’apprentissage de la lecture chez les enfants en première année.

À nouveau, plusieurs professeurs des facultés d’éducation et possiblement des fonctionnaires du ministère se sont opposés au projet lors de sa conception et de son implantation. Cette opposition est encore très présente, voire même plus intense. Cela explique-t-il pourquoi certains centres de services boycottent carrément ce programme ? Quels sont les effets de ce programme depuis son lancement ? L’INEE doit examiner rapidement ce programme ainsi que son implantation afin de faire des recommandations.

Intervention psychopédagogique face aux enfants en crise

Au Québec, on observerait une hausse du nombre d’enfants faisant des crises en classe. Une crise se caractérise par certains comportements : crier, cracher, lancer des objets, frapper, griffer, mordre, etc. Lorsqu’un enfant demeure incontrôlable malgré les interventions de l’enseignante, plusieurs modes d’intervention seraient en usage dans les centres de services.

Lorsqu’un enfant demeure incontrôlable malgré les actions de l’enseignante, un intervenant formé en gestion de crise doit alors être appelé. Or, s’il n’est pas disponible ou s’il n’y a personne de formé dans l’école, l’intervention peut alors être se résumer à déplacer les autres élèves de la classe vers un autre lieu, une personne restant avec l’enfant perturbé en tentant de dialoguer avec ce dernier pour le calmer, et ce, même si l’enfant détruit du matériel. La durée d’une crise peut varier de quelques minutes à beaucoup plus longtemps (45 minutes ou plus).

Quelles sont les meilleures pratiques en gestion de crise ? Faut-il n’intervenir que verbalement lorsqu’un enfant en crise brise du matériel ? Observe-t-on une diminution des crises chez les enfants ayant vécu une telle intervention ? Quels sont les effets sur les autres enfants de la classe ? L’INEE doit impérativement étudier les méthodes d’interventions utilisées puisqu’elles se répandent rapidement dans les écoles.

Attentes face à l’INEE

Dans les 60 dernières années, les résultats de la recherche en éducation ont rarement atteint le milieu scolaire. L’INEE est une réponse nécessaire à cette situation. Cependant, si sa création est différée indûment, s’il devient une entité au discours ambiguë, fuyant les enjeux litigieux, s’il fait des analyses en recourant faiblement aux données scientifiques, s’il formule des propositions irréalistes et non opérationnelles, l’écoute du personnel enseignant à son égard s’étiolera prestement et l’effort de la création de l’INEE aura été vain.

L’INEE doit émerger promptement et s’exprimer pour qu’une vision rationnelle puisse poindre à l’horizon.

Photo fournie par Steve Bissonnette

Steve Bissonnette

Professeur titulaire

Université TÉLUQ