L’étonnant souverainisme canadien des fédéralistes québécois

Donald Trump multiplie depuis son élection ses provocations à l’endroit du Canada, qu’il dit vouloir annexer.
On pouvait d’abord y voir une blague de mauvais goût. On commence à comprendre qu’il s’agit d’une stratégie de déstabilisation pour sidérer les élites canadiennes et les obliger à de plus grandes concessions lors des différentes négociations à venir entre les deux pays.
Mais d’une déclaration à l’autre, Trump est parvenu à froisser l’orgueil national des Canadiens.
La classe politique fédérale s’est ainsi manifestée, de Justin Trudeau à Pierre Poilievre, en passant par Mélanie Joly, pour dire que le Canada conserverait son indépendance, sa souveraineté et n’avait pas vocation à devenir un État parmi d’autres dans la fédération américaine.
Frontières
Mélanie Joly s’est même portée à la défense du peuple du Canada, sans nous dire duquel il s’agissait, car à ce que j’en sais, il y en a plusieurs au Canada.
Je confesse ma perplexité: ces élites canadiennes ne sont-elles pas en train de faire preuve de fermeture au monde et de repli sur soi en défendant l’indépendance de leur pays, quand l’occasion leur est donnée de dépasser les frontières, sur une planète qui devrait toujours s’unir davantage, sous le signe d’une diversité revendiquée?
L’indépendance n’est-elle pas dépassée?
Écoutez la rencontre avec
Mathieu Bock-Côté
balado
Richard Martineau
QUB
:
Sont-elles en train de nous dire que l’indépendance d’un pays est un bien en soi, qu’on ne saurait sacrifier contre la promesse d’une hypothétique prospérité plus grande?
Sont-elles en train de nous dire qu’elles ne se contenteraient pas pour le Canada de la grande autonomie consentie aux États américains, et qu’elles réclament pour lui une pleine existence politique?
Donald Trump explique aux Canadiens qu’ils n’ont pas les moyens de leur indépendance: les élites canadiennes contestent cette prétention hasardeuse.
Elles ajouteront demain, n’en doutons pas, qu’elles prendront les moyens nécessaires pour défendre l’indépendance canadienne si les Américains cherchaient à confisquer leur souveraineté, au point même de leur imposer une constitution dont ils ne veulent pas?
Mais, mais, mais… ces chenapans ne sont-ils pas en train de faire l’éloge de la souveraineté nationale dont ils n’avaient que du mal à dire lorsque les Québécois la réclamaient, lorsqu’ils la réclament toujours? Sont-ils en train de nous dire que l’indépendance, c’est bon pour le peuple canadien (ou canadien-anglais, si on préfère, et qu’on ne recule pas devant un pléonasme), mais pas pour les Québécois?
Voilà qui est très étonnant!
Indépendance
Pourtant, soyons honnêtes, il y a bien moins de différences fondamentales entre les États-Unis et le Canada qu’entre le Canada et le Québec.
Le Canada, effectivement, est une colonie culturelle américaine, sans identité forte, ce dont il se faisait une fierté, d’ailleurs, jusqu’à ce que Donald Trump en arrive à la conclusion que cela justifiait sa prochaine annexion par les États-Unis, en parlant de la frontière artificielle séparant les deux pays.
Chose certaine, il y a quelque chose d’amusant à voir les fédéralistes québécois se transformer en souverainistes canadiens.