La langue française happée par la tempête Trump

La tempête Trump continue de souffler sur la campagne électorale. Le plus inquiétant est que jamais nous n’aurons vu des élections canadiennes détournées aussi directement et publiquement par un pays étranger.
Mardi, le dernier coup de vent a frappé la loi 96 du gouvernement Legault. Selon le rapport annuel du Bureau du représentant au commerce des États-Unis, cette réforme de la Charte de la langue française constituerait une «barrière commerciale» pour les entreprises américaines.
Ce qui, soit dit en passant, avait déjà été soulevé sous l’administration du président Joe Biden. Sauf que, dans le climat angoissant imposé par Donald Trump, ça prend aujourd’hui des proportions plus saisissantes.
Le chef du Bloc Québécois a donc sauté sur l’occasion pour s’en prendre au chef libéral Mark Carney. Plaçant Trump et Carney dans la même besace, il a accusé ce dernier de traiter le français comme une nuisance et d’être hostile au Québec.
La sortie est certes de bonne guerre. Le Bloc, devancé par les libéraux dans les sondages, cherche à reprendre du tonus par tous les moyens.
Il est vrai que Mark Carney a promis, s’il prenait le pouvoir, d’intervenir devant la Cour suprême contre l’usage préventif de la clause dérogatoire utilisée par le gouvernement caquiste pour protéger certaines sections de la loi 96.
Sa réaction de mardi matin donne néanmoins tort au chef du Bloc. Mark Carney s’est engagé à «protéger la loi 96», dont il jure soutenir l’objectif.
Jamais
Mark Carney s’est fait plus précis: «Jamais la langue française, la culture canadienne et québécoise, et la gestion de l’offre ne seront sur la table» de négociation avec les États-Unis.
«C’est un engagement personnel, a-t-il précisé, parce que c’est très important». C’est aussi très important pour Mark Carney de le dire clairement.
Car son parti a beau dominer les sondages, les intentions de vote demeurent volatiles. Au Québec, c’est même de la fine dentelle. Si le chef libéral n’y prenait garde, elle pourrait finir par s’effilocher pour son parti.
Jusqu’ici, parce que l’enjeu premier de la campagne est la guerre commerciale, les Québécois ont passé l’éponge sur son français hésitant et sa méconnaissance de la culture québécoise.
Dans la cour des juges
Ils l’ont fait parce qu’à l’instar des autres Canadiens, ils sont tout d’abord en quête d’un prochain premier ministre capable de faire face à Trump avec intelligence.
Selon le sondage Léger–Le Journal–TVA Nouvelles–National Post publié ce matin, 43% des électeurs québécois préfèrent Mark Carney. C’est massif. Quitte même, incluant des souverainistes de longue date, à délaisser le Bloc pour ces élections-ci.
Or, historiquement, l’électorat québécois, si on le déçoit, est tout aussi capable de revirements spectaculaires que lorsqu’on réussit à le séduire.
D’où l’importance pour Mark Carney de s’engager sans équivoque à exclure la langue française et la culture québécoise de toute négociation future avec l’administration Trump.
Et ce, même s’il a un désaccord sur l’usage préventif d’une clause dérogatoire qui, par ailleurs, est tout à fait constitutionnelle. Ce sujet, distinct des lois, finira de toute manière à nouveau à la Cour suprême.
Ce sont ses juges qui, un jour, confirmeront la légalité du recours préventif à la clause dérogatoire par tout gouvernement au Canada. Ou qui, au contraire, y verront dorénavant un cheval de Troie contre la Charte canadienne des droits et libertés adoptée, doit-on le rappeler, sans le Québec.
Là aussi, bien malins les devins…