Homicides au Québec: la sombre tendance se maintient

La tendance sombre des trois dernières années se poursuit au Québec: les enquêteurs ont eu à résoudre davantage d’événements meurtriers, même si ceux-ci ont heureusement fait moins de victimes.
L’année 2023 avait été particulièrement meurtrière, avec sept victimes dans un incendie, trois piétons fauchés au hasard par un chauffard et deux enfants tués dans leur garderie par un conducteur d’autobus. Ces drames avaient ainsi fait passer le nombre de victimes à plus de 100.
Cette année, pas moins de 91 événements ont fait 96 victimes.
On ne dénombre qu’un triple meurtre et trois doubles meurtres, dont la touriste française et sa fille qui ont péri dans un incendie criminel dans le Vieux-Montréal (voir encadré).
«Les deux arrestations rapides [dans ce dossier] envoient un message aux bandits que tous les effectifs vont être mis pour les retrouver», a averti Jean-Sébastien Caron, inspecteur au Service de police de la Ville de Montréal, précisant que l’enquête se poursuit pour retrouver ceux qui ont commandité cet incendie mortel.
Jean-Sébastien Caron, inspecteur aux crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal.
Photo Agence QMI, MAXIME DELAND
Il souligne que la nouvelle façon de fonctionner des criminels est de procéder par contrats donnés sur les réseaux sociaux.
«Ils ont tendance à faire plus d’erreurs sur les scènes de crime. C’est plus complexe au niveau du renseignement, mais la preuve est plus facile à trouver», a renchéri le capitaine à la Sûreté du Québec (SQ), Jessie Houle.
Il a ainsi créé une équipe dédiée au visionnement des images de caméra de surveillance, qui verra le jour dans les prochaines semaines afin de venir en aide aux enquêteurs.
Par ailleurs, en 2024, les policiers ont eu à se déplacer de façon inhabituelle dans l’est de la province pour des crimes liés au contrôle des territoires du trafic de stupéfiants.
L’événement qui a braqué les projecteurs (et l’attention des policiers) sur ces nouveaux groupes émergents est celui de l’otage torturé par des hommes de main de Dave «Pic» Turmel, qui a pu s’échapper en tuant un de ses assaillants.
Plusieurs enquêtes sont en cours en lien avec des événements violents qui ont suivi, et il y aura des arrestations à venir, a assuré le sergent Mathieu Boulianne, de la SQ.
Aucun suspect n’a encore été épinglé pour le meurtre d’un adolescent de 14 ans dans un repaire d’un club-école des Hells Angels, à Frampton, en Beauce (voir encadré).
Le taux de résolution des meurtres sur le territoire de la SQ se situe à 72%. À Montréal, les meurtriers allégués de 25 des 32 victimes de meurtres ont été identifiés.
«C’est une année assez exceptionnelle parce qu’on a été capable d’être proactif dans des dossiers qui ne sont pas toujours simples», a commenté l’inspecteur Caron.
Dans la métropole, les policiers ont réussi à résoudre la moitié des 10 règlements de compte survenus, dont celui de Jean Brandon Célestin, le frère du caïd Jean-Philippe Célestin. C’est ce dernier qui aurait été visé par la salve de projectiles.
Par ailleurs, le nombre de femmes tuées dans un contexte conjugal se rapproche des sommets atteints il y a trois ans, où 17 féminicides avaient été dénombrés.
Cette année, au moins 13 femmes ont perdu la vie dans un tel contexte, contre 9 l’an dernier.
Des meurtres qui ont marqué l’année 2024
Deux autres morts dans le Vieux-Montréal
Une touriste française et sa fille de 7 ans ont péri dans l’incendie d’un immeuble patrimonial centenaire du Vieux-Port de Montréal. Le drame avait des airs de déjà-vu puisque le brasier, d’origine criminelle, a été allumé dans un bâtiment appartenant à l’avocat Emile Benamor. C’est lui qui possédait aussi l’autre immeuble patrimonial tout près, où un terrible incendie a coûté la vie à sept personnes en mars 2023. Deux individus ont été arrêtés concernant l’incendie de cet automne, qui pourrait être lié à une vague d’extorsion dans la métropole.
Une touriste française et sa fille de sept ans ont péri dans l’incendie criminel de cet immeuble patrimonial.
Photo Érika Aubin
Sécuritaire, la cryptomonnaie?
Deux individus liés au monde de la cryptomonnaie ont été tués en 2024. D’abord, Kevin Mirshahi, dont le corps a été retrouvé le mois dernier, dans un parc d’Ahuntsic-Cartierville, à Montréal. En juin dernier, le jeune influenceur dans le domaine de la monnaie numérique et trois autres personnes avaient été enlevées puis séquestrées. Les victimes avaient été libérées, sauf Mirshahi. Trois personnes font face à la justice en lien avec ce meurtre.
Puis cet automne, un analyste en cryptomonnaie, Kevin Calderon, avait été abattu en plein jour à la sortie de son lieu de travail, à Laval.
Le corps de Kevin Mirshahi a été retrouvé au parc-nature de l’Île-de-la-Visitation, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, trois mois après son enlèvement.
Photo Agence QMI / MAXIME DELAND
Des décès «gratuits»
Une automobiliste qui a eu le malheur de croiser la route d’une personne décidée à se tuer, à Chibougamau. Une voisine qui a tenté, en février, de venir en aide à une mère tuée par son fils à Vaudreuil-Dorion et qui en a payé de sa vie. Une agente immobilière de 46 ans tuée au hasard en faisant une marche dans un boisé de Laval. Un octogénaire attaqué à la hache par un inconnu alors qu’il jardinait. Ces décès «gratuits» vont souvent marquer les enquêteurs, explique le capitaine Jessie Houle, de la Sûreté du Québec.
Une agente immobilière de 46 ans qui marchait dans ce boisé du quartier Chomedey, à Laval, a été sauvagement poignardée à mort par un inconnu en mai dernier.
Photo Agence QMI / MAXIME DELAND
Un ado de 14 ans victime du crime désorganisé
La guerre des stupéfiants qui oppose les Hells Angels aux trafiquants indépendants a fait une victime d’à peine 14 ans en septembre. L’adolescent serait parti de Montréal avec un jeune complice pour se rendre à Frampton, en Beauce. Armés de fusils AK-47, ils ont tenté d’attaquer le repaire d’un club-école du groupe de motards. Un des jeunes, Mohamed-Yanis Seghouani, avait été retrouvé mort sur le terrain situé sur le 2e Rang. Un véhicule incendié avait été retrouvé moins d’un kilomètre plus loin.
«Peu importe l’implication, il n’y a aucune raison qu’un jeune de 14 ans ne meurt, a commenté le capitaine Jessie Houle. C’est inquiétant, il faut mettre tous les efforts nécessaires pour tenter de contrer cette nouvelle tendance.»
Une voiture incendiée avait été retrouvée à près d’un kilomètre du repaire des Red Devils où l’adolescent avait perdu la vie. Personne ne se trouvait à l’intérieur, mais les autorités y ont retrouvé des armes d’assaut de type AK-47.
Photo Agence QMI / RENÉ LECLERC
De l’action en prison
Les policiers de la Sûreté du Québec ont enquêté sur trois meurtres survenus derrière les barreaux en 2024. Parmi eux, celui du tristement célèbre tueur en série Robert Pickton. Il avait succombé à ses blessures après avoir été sauvagement agressé au pénitencier de Port-Cartier. Il s’était fait enfoncer un manche à balai dans le nez. En septembre dernier, Mahdi Hijazi, sur le point de sortir de détention, a été battu à mort dans sa cellule du centre de détention de Rivière-des-Prairies.
Au début du mois, un membre influent d’un gang de rue de Montréal a été tué à la même prison. Andrew Luberisse était détenu depuis seulement la veille. Son décès serait lié à des tensions entre membres de son propre groupe.
Robert Pickton, reconnu coupable du meurtre de six femmes en 2007, a été tué par un codétenu à la prison de Port-Cartier.
Photo REUTERS/BCTV News for Global
L’année en chiffres
96 victimes
- 58 hommes
- 30 femmes
- 8 mineurs
93 accusés
- 76 hommes
- 10 femmes
- 7 mineurs
91 événements
- 28 arme à feu
- 34 arme blanche
- 12 force
- 4 objet contondant
- 3 incendie
- 10 autre/inconnu