[EN IMAGES] Elle quitte la France pour venir vivre chez son écrivaine préférée au Québec
C’est l’histoire d’une amitié pas comme les autres, celle d’une écrivaine québécoise qui a invité sa plus fervente lectrice, une Française âgée de 78 ans, à venir vivre chez elle, dans le Bas-Saint-Laurent, après 12 ans à se parler quotidiennement au téléphone.
Jill Côté n’avait même jamais rencontré en personne Lily-Hélyette Pinto avant mercredi matin, à l’aéroport Jean-Lesage de Québec, où s’est posé l’avion qui a fait traverser l’Atlantique à sa nouvelle colocataire.
Dès que Mme Pinto est apparue dans l’aire d’arrivée, les deux femmes se sont enlacées en pleurant.
Photo STEVENS LEBLANC
«C’est irréel. Je ne réalise pas que je l’ai devant moi, s’est exclamée Jill Côté, émue et fébrile. Je suis une auteure qui vient chercher sa lectrice.»
Elle avait pris soin d’acheter un manteau et des bottes d’hiver, qu’elle a donnés à son amie à son arrivée. Mme Pinto n’a jamais vu la neige, elle qui vivait à Palavas-les-Flots, une commune près de Montpellier, dans le sud de la France.
Photo STEVENS LEBLANC
«Je n’ai jamais rencontré dans toute ma vie une personne comme Jill. C’est elle qui fait tout pour moi. Il va falloir que je sois à la hauteur pour elle», a dit la dame.
Tous les jours
Tout a commencé, donc, il y a 12 ans. Jill Côté, une auteure qui a fait les manchettes lorsque le défunt éditeur Michel Brûlé a été reconnu coupable d’une agression envers elle commise en 2014, publiait des textes sur sa page Facebook quand les commentaires d’une dame ont attiré son attention.
«Ils étaient incroyablement beaux, avec un langage qui m’enrichissait. Un jour, ce que je fais rarement avec mes lecteurs, j’ai décidé de lui répondre. On a appris à se connaître, elle m’a dit qu’elle s’appelait Lily, et on s’est mises à se parler tous les matins. Tous les matins depuis 12 ans. Moi, je déjeunais, elle dînait. On s’appelait ensuite l’après-midi en prenant un autre café.»
Photo STEVENS LEBLANC
Pourquoi Lily-Hélyette, qui autrefois gagnait sa vie comme gouvernante d’une femme riche de Montpellier, s’intéressait à Jill?
«Parce que ses écritures m’ont transpercée. Elle est la seule à écrire de la poésie comme elle le fait. Elle a un langage propre à elle que personne ne peut copier.»
«Je veux l’aider»
Vieillissante et vivant loin de sa famille, Mme Pinto a un jour émis le souhait de déménager dans un endroit plus sécuritaire pour elle. Seule occupante avec ses quatre chiens d’une maison à Notre-Dame-du-Portage, près de Rivière-du-Loup, Jill Côté lui a proposé de venir s’installer chez elle.
«Je veux l’aider, pas la sauver. Je veux lui montrer qu’il y a un autre genre de vie. Je suis en campagne, ma maison est entourée d’un golf, je n’ai pas de voisin. Elle habitait un deuxième étage, donc elle ne pouvait jamais monter son épicerie. Il fallait qu’elle demande aux passants de l’aider.»
Photo STEVENS LEBLANC
Mme Pinto, qui est en attente d’une réponse à sa demande de résidence permanente, affirme avoir quitté sans regarder derrière. «J’ai tiré un trait avec le passé pour laisser la place à Jill Côté. J’ai quitté Palavas sans regret, sans larmes, sans rien.»
Leur histoire deviendra un documentaire
L’incroyable amitié qui unit Jill Côté et Lily-Hélyette Pinto sera racontée dans un documentaire que tourne le cinéaste Jean-Sébastien Lozeau.
«Je n’ai jamais vu une histoire comme ça. Je n’aurais pas pu écrire une telle histoire. C’est unique», confie M. Lozeau, qui était présent avec son équipe, mercredi, à l’aéroport de Québec, pour filmer la première rencontre entre les deux amies.
C’est par hasard, il y a quelques mois, qu’il a été mis au courant de cette amitié hors du commun. «J’[ai] un autre projet de documentaire qui a avorté, mais il m’a mis en contact avec Jill. Elle m’a raconté son histoire en me disant que ce serait trop malade de filmer ça. Alors voilà.»
L’équipe de tournage passera du temps dans le Bas-Saint-Laurent, au cours des prochaines semaines, pour être témoin des «premières fois» que vivra Mme Pinto, elle qui n’avait jamais quitté la France.
Photo CATHERINE LÉVESQUE
Évidemment, elle découvrira les rigueurs de l’hiver pour la première fois, et il était même question de lui faire goûter rapidement à la poutine, rite de passage devenu presque obligatoire pour tout nouvel arrivant au Québec.
La date de sortie du film, qui sera soumis aux festivals, n’est pas connue.