Donald Trump serait-il le grand gagnant du 59e Super Bowl?

La présence de Donald Trump au 59e Super Bowl dimanche a donné une saveur éminemment politique à l’événement sportif, déjà critiqué par plusieurs. Entre le président américain, la surconsommation d’ailes de poulet, les publicités à 8 millions de dollars, les jets privés, une Taylor Swift huée par la foule, les accusations de racisme et les propriétaires de clubs qui s’enrichissent sur le dos d’athlètes mettant leur santé en péril: le Super Bowl serait-il le reflet de ce qui va mal aux États-Unis?
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«Le sport est souvent le reflet de l’évolution de la société et la Ligue nationale de football (NFL) est traversée par les [mêmes] enjeux que cette dernière», affirme d’emblée le professeur titulaire à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, David Morin.
Pas étonnant, donc, que des événements sportifs comme le Super Bowl puissent être instrumentalisés par les responsables politiques, les joueurs ou même les médias, précise celui qui codirige l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent (OSR).
On peut penser à Colin Kaepernick, le quart-arrière qui avait posé le genou au sol pendant l’hymne américain en 2016 pour dénoncer le racisme et les violences policières contre les personnes noires, en soutien au mouvement Black Lives Matter.
Il faut cependant demeurer prudent avec la récupération politique dans ce genre d’événement, selon M. Morin.
«Le Super Bowl est aussi perçu comme un moment d’unité nationale où on devrait laisser la politique de côté», mentionne le professeur, qui souligne que plusieurs propriétaires d’équipe ont appuyé Donald Trump et les républicains.
Donald Trump c. Taylor Swift
Difficile d’ignorer la politique, toutefois, lorsque Donald Trump est posté dans les estrades. Il est le premier président américain en exercice à assister à la finale de la NFL.
Pour cet «hyperprésident» qui cherche à saturer l’environnement médiatique, le Super Bowl lui offrait une tribune de choix pour avoir encore plus de visibilité.
«C’est pour lui une sorte de revanche de venir parader après sa victoire aux élections, par rapport notamment à Taylor Swift puis à la NFL, avec lesquels il entretient une relation compliquée», souligne David Morin.
Après le match, le républicain n’a d’ailleurs pas hésité à se moquer de la chanteuse, venue encourager son partenaire, le joueur des Chiefs de Kansas City Travis Kelce. Taylor Swift a été huée lorsque son visage est apparu sur les écrans géants du Superdome.
«La seule qui a eu une nuit plus difficile que les Chiefs de Kansas City a été Taylor Swift», a écrit Donald Trump sur le réseau Truth Social peu de temps après avoir quitté le stade.
«Elle a été HUÉE […] MAGA a la rancune tenace», a-t-il ajouté, en référence à son mouvement politique Make America Great Again.
Rappelons que l’an dernier, des théories du complot sur Taylor Swift et sa relation avaient circuler après la victoire des Chiefs.
«Certaines figures importantes pro-Trump parlaient d’une mise en scène de la NFL visant la victoire des Chiefs pour ensuite permettre à la chanteuse — dont ils craignaient l’influence auprès de ses nombreux admirateurs — de prendre position dans la campagne électorale, ce qu’elle a fait plus tard en soutenant Kamala Harris», souligne David Morin.
Trump, la NFL et le racisme
En plus d’accueillir Donald Trump à son événement, la NFL s’est fait reprocher de tenter de se rapprocher du républicain en retirant le slogan «End Racism» au bout du terrain. Le message a été remplacé par «Choose Love».
«Disons au minimum que c’est un drôle de timing alors que l’administration Trump mène une charge à fond de train contre les politiques d’équité, de diversité et d’inclusion», fait valoir David Morin.
«Le président, faut-il le rappeler, est soutenu par les groupes suprémacistes blancs américains et a toujours minimisé la question du racisme au sein de la société américaine, critiquant notamment le mouvement Black Lives Matter», ajoute-t-il.
Il faut savoir qu’en 2018, les Eagles de Philadelphie — qui ont remporté les grands honneurs dimanche — avaient rompu avec la tradition pour les vainqueurs du Super Bowl de visiter le président à la Maison-Blanche.
Donald Trump était alors en conflit ouvert avec les joueurs de la NFL — et les athlètes de manière générale — qui choisissaient d’imiter Colin Kaepernick en posant le genou au sol pendant l’hymne national.
Certains joueurs des Eagles avaient refusé l’invitation du président républicain, avant qu’il n’annule lui-même l’événement.
Une surconsommation bonne pour l’économie
Au-delà du contexte social et politique, le Super Bowl est reconnu depuis longtemps comme un «désastre environnemental».
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L’an dernier, la présence de quelque 1000 jets privés avait retenu l’attention des médias et du public, rappelant les imposantes émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l’événement sportif.
Les centaines de millions d’ailes de poulet avalées par les amateurs de football génèrent à elles seules aux États-Unis près de 4 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2).
Il est également intéressant de souligner le coût environnemental des fameuses publicités du Super Bowl, vendues cette année à plus de 8 millions de dollars pour 30 secondes.
En 2021, elles ont produit autant de GES que 100 000 Américains, soit environ 2 millions de tonnes de CO2, selon le site Carbon Credits.
«On sait que ça vaut la peine de dépenser des millions pour 30 secondes de publicité. Normalement, les gens fuient la publicité alors que dans cet événement, ils la cherchent», signale le doyen de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval et directeur de l’Observatoire international en management du sport (OIMS), Frank Pons.
Si le Super Bowl incite à la surconsommation, il est aussi un moteur économique important pour le pays.
«Les retombées économiques sont énormes pour la ville qui reçoit, les compagnies dont les ventes explosent malgré les promotions, pour la ligue et les télédiffuseurs, détaille M. Pons. C’est l’événement sportif et télévisuel le plus suivi aux États-Unis. En termes d’audience, c’est la manière la plus efficace d’aller rejoindre la population.»
Des Canadiens boudent l’événement
Une partie de la population québécoise a choisi de ne pas faire partie de l’audience cette année, alors que le match opposant les Chiefs de Kansas City et les Eagles de Philadelphie s’est disputé sur fond de tensions économiques entre le Canada et les États-Unis.
Un coup de sonde réalisé par l’OIMS rapportait que seulement 52,6% des Québécois avaient l’intention de regarder le Super Bowl, soit une baisse de 6,6% par rapport à l’an dernier.
Sur le lot, près de 12% des répondants ont affirmé que le contexte économique est la principale raison pour laquelle ils ne regarderont pas la finale de la NFL.