Des diagnostics de TDAH en ligne en 60 minutes: la «révolution fast-food» en santé mentale préoccupe un expert
Le phénomène des diagnostics-éclairs de TDAH chez les jeunes du Québec est inquiétant de par son volume, mais aussi en raison des impacts des faux diagnostics inévitablement entraînés par cette situation, soutient un expert.
Des firmes privées en santé diagnostiquent des troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) à la suite d’une simple rencontre virtuelle d’une heure, a révélé, mercredi, La Presse.
Ceux-ci se voient ensuite prescrire des psychostimulants. Le tout se déroule rapidement et sans que le médecin ait vu le jeune patient en chair et en os.
En entrevue à l’émission Le Bilan, le neuropsychologue et directeur des cliniques CERC, Dr Benoît Hamarrenger, s’est dit inquiet de ce phénomène.
«Il faut certainement se préoccuper de l’espèce de révolution fast-food de la santé mentale. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut évaluer rapidement, un TDAH, on ne peut pas tourner les coins ronds», déclare-t-il.
Celui-ci mentionne que ce n’est pas vraiment le fait que les rencontres se déroulent virtuellement qui pose problème.
«Il y aurait moyen d’augmenter l’accessibilité aux diagnostics, par exemple pour des gens en région, avec des services offerts en ligne par des médecins ou des professionnels compétents», explique le Dr Hamarrenger.
Le neuropsychologue se dit surtout préoccupé par la période de consultation très courte qui conduit à un diagnostic.
En 2018-2019, une quarantaine de pédiatres québécois ont écrit une lettre ouverte pour décrier le trop grand nombre de diagnostics de TDAH et la multiplication des prescriptions pour de la médication.
Les statistiques indiquaient alors que 14 % des adolescents et préadolescents étaient médicamentés. Une commission parlementaire a ensuite été mise sur pied par le gouvernement qui a rencontré des spécialistes pour faire la lumière sur cette situation.
La commission avait conclu qu’il y avait trop de diagnostics, qu’il fallait resserrer les critères diagnostiques, resserrer la pratique et resserrer les critères pour arriver à une prescription.
«Alors dans ce contexte-là, […] d’arriver avec des diagnostics en ligne en, par exemple, une heure, qui sont faits basés pour la plupart sur une liste de critères que les parents doivent cocher, basés sur une liste de critères, c’est une pratique qui augmente le risque de faux diagnostics», indique le Dr Benoît Hamarrenger.
Ce dernier estime donc qu’«on est obligé de conclure» que des médecins prescrivent des psychostimulants à des jeunes qui ne devraient pas en avoir.
Selon de nouvelles statistiques obtenues par le neuropsychologue, 22% des garçons adolescents du Québec prennent des psychostimulants pour traiter un TDAH.
Pourtant, la prévalence de TDAH à travers le monde oscille entre 5 et 7%, soutient l’expert.
«Donc, ça devrait être ça au Québec également. À 22 %, c’est sûr qu’il y a du faux diagnostic», clame-t-il.
Impacts sur les jeunes
Par ailleurs, la prise de psychostimulants par un jeune qui n’en a pas réellement besoin n’est pas sans conséquences.
«Si on l’essaie sans avoir le bon diagnostic, on passe peut-être à côté du vrai problème, qui pourrait être, par exemple, de l’anxiété, un trouble d’apprentissage, d’autres enjeux chez le jeune. On passe à côté du vrai problème, donc on ne le traite pas», mentionne l’expert.
«Le traitement pharmacologique, lui, avec des psychostimulants, peut avoir des effets secondaires, comme d’augmenter l’anxiété chez un jeune qui en ressent déjà. On va augmenter le problème, alors qu’on ne le traite pas, on empire ce problème-là, qui, lui, vient drainer de l’attention. L’enfant anxieux est drainé au niveau de son attention», ajoute-t-il.
Ce type de médication peut occasionner des difficultés d’endormissement et donc, une perte de sommeil. Les psychostimulants peuvent également causer des pertes d’appétit.
Le Dr Hamarrenger estime que pour avoir un véritable diagnostic et ainsi éviter de prescrire à tort des psychostimulants à un jeune, il faut qu’un professionnel passe environ 6 heures avec l’enfant et ses parents, en plus du temps consacré à l’analyse des données et la rédaction du rapport.
Pour voir l’entrevue complète, visionnez la vidéo ci-haut.