Académie Centennial: moratoire sur le bon sens et l’humanité

Mercredi matin, ils ont quitté Montréal avec un nœud au ventre et l’espoir au bord des lèvres. Des parents d’enfants vivant avec de graves troubles d’apprentissage ont pris la route vers Québec pour aller cogner à la porte de ceux qui détiennent le pouvoir. Leur destination: l’Assemblée nationale. Leur objectif: rencontrer Bernard Drainville, ministre de l’Éducation, ainsi que les partis d’opposition. Leur mission: livrer un ultime cri du cœur pour sauver ce qui, pour leurs enfants, n’est pas une école comme les autres, mais un véritable havre de paix et de dignité.
L’Académie Centennial est un établissement spécialisé, pensé et bâti pour des jeunes que le système scolaire traditionnel, trop souvent, a mis de côté. Tout y est conçu pour les accompagner dans leurs défis d’apprentissage: classes réduites, encadrement personnalisé, approche pédagogique adaptée. Et ça marche. Mieux que bien, même. Près de 80% des élèves qui franchissent ses portes obtiennent leur diplôme d’études secondaires en cinq ans. Pour une clientèle jugée «à haut risque de décrochage», c’est remarquable. C’est même exceptionnel.
Iniquité
Mais voilà: cette école, qui donne espoir à des centaines de familles, pourrait devoir fermer ses portes dans deux mois. Pourquoi? Parce qu’elle n’a plus les moyens de continuer. Parce qu’une faille administrative absurde, un vieux moratoire poussiéreux datant de 2008, empêche ses élèves francophones de recevoir le financement auquel ont droit leurs camarades anglophones. Une même école. Deux catégories d’élèves. Deux réalités.
L’opposition a posé la question au ministre Drainville: pourquoi ne pas accorder l’agrément permettant aux élèves francophones de bénéficier, eux aussi, du financement? Réponse du ministre, livrée avec une froideur presque bureaucratique: «Vous le savez, il y a un moratoire depuis 2008.»
C’est tout. Circulez, y a rien à voir.
On aurait aimé entendre autre chose de la bouche d’un ministre qui, par le passé, se disait viscéralement engagé pour la réussite scolaire. On aurait espéré une lueur d’humanité, une ouverture, celle à laquelle il nous a habitués. Mais non. Le moratoire. Comme si une décision administrative prise il y a 15 ans pouvait justifier, en 2025, l’abandon d’enfants vulnérables. Comme si l’inaction devenait excusable à force d’être répétée.
Motivation
Et puis, l’ironie. Pendant que ces parents, assis dans les gradins, tentaient d’encaisser la réponse sèche du ministre, ils ont eu droit à un autre moment d’anthologie. Quelques minutes plus tard, sur une question tout à fait différente, le premier ministre François Legault, la main sur le cœur, a proclamé que la réussite scolaire des élèves en difficulté était sa principale motivation politique.
On imagine les parents échanger des regards. Peut-être ont-ils souri, un peu jaune. Peut-être avaient-ils envie de se lever et d’applaudir ce numéro de théâtre. Peut-être ont-ils simplement eu envie de pleurer.
Parce qu’à force de discours creux, de rigidité administrative et d’indifférence déguisée en «équité», c’est exactement ce qu’on fait: on abandonne les enfants qu’on prétend vouloir aider.
Alors oui, il faut choisir. En rire ou en pleurer. Mais surtout, ne pas oublier.